Chroniques
Retour28 mars 2024
Annie Levasseur - alevasseur@medialo.ca
Le racisme systémique : réalité ou mythe ?
SEMAINE D’ACTION CONTRE LE RACISME
©gracieuseté - Le Laurentien
Jean-Claude Mabiala
Par Jean-Claude Mabiala, professeur de philosophie au département de sciences humaines de l’Institut maritime du Québec et responsable du comité interculturel - Chaque année, le Canada accueille sur son territoire de nombreuses personnes issues d’origines diverses.
Ces ressortissants étrangers sont motivés par divers objectifs, le plus important étant d’améliorer leurs conditions de vie. Ils sont généralement qualifiés d’immigrants et classés dans l’une des catégories suivantes : immigration économique, immigration de regroupement familial, réfugiés et personnes similaires. Ces personnes ont été réparties sur tout le territoire, ce qui signifie qu’elles sont installées et vivent dans toutes les provinces du Canada.
Malgré l’obtention du permis de s’installer au Canada, en particulier au Québec, les personnes immigrantes doivent passer par d’autres étapes, telles que le choc culturel et l’intégration sociale, professionnelle et économique. En outre, plusieurs obstacles se dressent sur leur parcours d’intégration et le plus redoutable d’entre eux est sans aucun doute le racisme, une des formes de la discrimination négative. Mais qu’est-ce que le racisme ? Il me semble important de préciser les étapes qui conduisent à cet état avant d’esquisser des éléments de réponse à cette question. Effectivement, pour s’attaquer à ce fléau, pour le déconstruire, je crois qu’il faut d’abord le comprendre et être en mesure d’identifier ses manifestations. Dans cette perspective, il est crucial de comprendre que le racisme est précédé d’autres pratiques, notamment les stéréotypes (attribuer à une communauté humaine les mêmes croyances, négatives ou positives, en raison de caractéristiques communes partagées par ses membres) et les préjugés (définir une personne exclusivement en fonction de stéréotypes associés aux membres de sa communauté d’origine). Le racisme est la dernière forme de discrimination, qui peut être exprimée consciemment ou inconsciemment par ceux qui en font usage, par exemple en utilisant des microagressions, c’est-à-dire des actes ou des discours à l’aide desquels ils expriment des messages condescendants ou négatifs à l’égard d’une personne historiquement ou traditionnellement racisée. La question est de savoir si ce phénomène est aussi devenu institutionnel au point d’être considéré comme un racisme systémique. Examinons la situation au Québec.
Certaines personnes soutiennent cette thèse qui n’en est pas une pour elles, car elles sont affirmatives en ce sens, persuadées que le racisme s’étendrait également dans les institutions québécoises. Selon elles, la société québécoise serait structurée de manière à reproduire les disparités basées sur l’origine ethnique et la race. À priori, cette affirmation peut sembler pertinente si on admet la thèse selon laquelle le raciste peut être quiconque, et que quiconque peut occuper une fonction dans la société ou détenir un statut grâce auquel il élaborerait des lois, des actes administratifs ou les appliquerait, dans le but de promouvoir des décisions défavorables pour les personnes dites racisées. Toutefois, j’ai du mal à croire que les institutions québécoises, ou du moins leurs pratiques sont gangrénées par le racisme. Selon moi, le racisme est une pratique individuelle, un acte isolé, qui ne concerne que l’auteur de celui-ci. La thèse de l’existence d’un racisme systémique au Québec ne peut être soutenue qu’en fournissant des arguments basés sur des mesures ou des actes administratifs ainsi que des lois qui l’autorisent. Comme ceux-ci sont inexistants, je pense que cette thèse est une proposition purement théorique, tout comme les éléments d’appréciation utilisés pour la justifier, tels que l’absence de membres issus des communautés ethniques ou raciales dans certains domaines de la société, comme à l’Assemblée nationale. Considérant qu’il n’y a pas longtemps que les Québécois partagent leur territoire avec les immigrants, il est intéressant de se demander si les individus qui encouragent le discours selon lequel le Québec, ou du moins ses institutions, pratique le racisme systémique, ne sont pas motivés par une mauvaise foi qui ne dit pas son nom.
Lorsque j’ai déménagé à Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, dans les années 90, j’ai remarqué que les travailleurs d’origine étrangère étaient peu nombreux sur le marché du travail. Cet exemple pourrait être utilisé par certains pour justifier la présence du racisme systémique au Québec et affirmer que cette pratique remonte à longtemps. Malheureusement pour eux, cela n’a aucune importance car, à l’époque, les immigrants qui étaient installés à Rimouski occupaient un emploi, mais leur présence passait inaperçue, car ils étaient sous-représentés quantitativement parlant dans le Bas-Saint-Laurent en général et à Rimouski en particulier. Il y avait tout de même une catégorie d’immigrants bien représentée et visible dans la ville de Rimouski, soit les immigrants avec visa étudiant dont je faisais partie, mais en vertu de la loi sur l’immigration de l’époque, elle n’avait pas le droit de travailler en dehors des campus. Comme étudiant, j’ai envoyé une lettre à la ministre de l’Immigration du Québec à l’époque, que j’ai également publiée dans le journal Le Soleil de Québec. Dans cette lettre, je suggérais à la ministre de permettre aux immigrants avec visa étudiant de travailler en dehors des campus afin de leur offrir une expérience de travail, car la plupart d’entre eux avaient le projet de demeurer au Québec à la fin de leurs études. Heureusement, depuis quelques années, les étudiants ayant des visas ont la possibilité d’exercer une activité lucrative en dehors des campus des établissements d’enseignement supérieur au Canada et au Québec, grâce à une mesure mise en place par le gouvernement fédéral, à condition de respecter divers critères établis par le même gouvernement. Bien que cette action relève du gouvernement fédéral, l’État québécois y a apporté son approbation. Ainsi, en ce moment, il est possible d’affirmer que le Québec progresse dans son intégration des immigrants en se basant sur cet exemple et sur d’autres qui démontrent clairement que le marché du travail québécois, qu’il s’agisse du marché privé ou public, est accessible à tous les immigrants, peu importe leur catégorie.
Par ailleurs, il serait absurde de prétendre que le racisme influence les institutions québécoises, car le Québec dispose de diverses infrastructures telles que la Charte des droits et libertés de la personne pour lutter contre cette pratique. Je prends à témoin son contenu, ainsi que de quelques-uns de ses chapitres, en particulier celui intitulé « Libertés et droits fondamentaux ». Si l’idée selon laquelle le racisme systémique est une pratique courante dans la société québécoise n’est pas fondée, pourquoi certaines personnes continuent-elles à la défendre ? En d’autres termes, si ce n’est pas déjà le cas, pourquoi chercher à en faire un enjeu de société ? Cette attitude peut-elle être interprétée comme une volonté claire d’encourager l’État québécois à favoriser le communautarisme étant donné que certains pays dont sont issus les Québécois naturalisés accordent plus d’importance aux groupes sociologiques, ethniques et aux tribus qu’à l’individu ? En effet, la question se pose, car, dans certains pays, ces éléments sont considérés comme des critères essentiels, par exemple lors du recrutement du personnel dans les secteurs public ou privé. Il convient de souligner que ces critères entraînent des conséquences, car ils posent des difficultés à certaines personnes pour s’intégrer professionnellement dans leur propre pays en raison de leur appartenance à un groupe ethnique minoritaire ou qui n’a pas de lien avec le pouvoir. N’est-ce pas également en raison de cette pratique injuste et discriminatoire que certaines personnes émigrent, par exemple au Canada ? Pourquoi certaines d’entre elles considèrent-elles le système québécois qui leur permet de s’exprimer et de se faire valoir en dehors de leur clan ou de leur tribu comme raciste ? S’agit-il d’une excuse employée pour expliquer l’échec d’une expérience, concernant soit une relation, une intégration ou une entrevue professionnelle ? Est-ce un prétexte pour demander un traitement favorable qui serait basé sur la politique de quotas, également connue sous le nom de « discrimination positive », qui vise à instaurer des inégalités dans le but de promouvoir l’égalité des opportunités ?
Le racisme est une idéologie et c’est celui qui la propage qui en est le seul responsable. Cependant, il est de notre responsabilité de ramener à l’ordre tous ceux qui expriment cette idéologie de quelque manière que ce soit, en notre présence ou non, sinon nous devenons des complices par simple abstention.
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